... Je tenais tout de même à écrire une note, non qu’il s’agît-là d’expliquer/expliciter ces photographies, mais d’une part, par courtoisie ; et d’autre part, par désir d’exposer un horizon, c'est-à-dire l’itinéraire que je poursuis. Cette note, elle eût commencé ainsi :
« Je n’ai fait que passer, accueillir ».
   Ce vers du poète Philippe Jaccottet traduit avec exactitude la tentative à laquelle je me prête quand je prends des photographies. Mais qu’accueille-t-on, au juste ? Ou plutôt : qu’est-ce qui nous accueille au-dehors ?
Des paysages (désertés, ruraux, intérieurs), des objets — leurs stances —leurs mouvements — leurs couleurs — leurs reflets— leur matière ; autant de choses que nous « aimons », pour lesquelles nous « nous extasions (…) dans la mesure où nous les re-connaissons. ». La ligne est donc claire :
« désirer les nommer mieux, se traduit. »
   Ces mots de Francis Ponge résonnent dans ce rapport que j’entretiens avec le réel, ils relatent en quelque sorte l’expérience d’une Fabrique par la photographie sous divers motifs, en diverses séries.
   Bien entendu, ce travail n’est rendu possible que par l’appropriation d’un appareil, du reste très rudimentaire, où ne prévaut en aucun cas la qualité —netteté— de l’objectif, mais davantage le cadre : le regard. C’est une autre forme de captation du réel et du temps, où la correction n’est guère d’usage ni même l’anticipation de la prise. Elle se veut unique et intime. On imaginera une scène, on la désirera, mais ne pourrons la prévoir. Il s’agira d’approcher le « discernement (précision dans la perception) » ainsi que l’entendait Bresson. Or, c’est je crois ce qu’on apprend à faire et à voir dans cette pratique : une forme d’écriture, de surimpression de la réalité. Dès lors, l’image dépendra de la lumière, du lieu (et de sa possible hostilité ou ouverture). Des variations en somme. De même que l’objet qui accouche de cet appareil est en proie à s’abîmer tant dans son transport entre les pages d’un livre que dans sa longévité : l’image requiert un soin particulier pour assurer sa durée. Le Polaroïd redonne ainsi une place à l’objet, il est pris sur le vif et nous apparaît, il ne cesse de nous appeler.

Autoportrait à la salle de bains © 2024 / Tours

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